Vous voyez cette personne que vous aimez galérer. Elle doute, tourne en rond, ressasse. Vous avez envie de l’aider. C’est normal. Et si, en plus, vous avez des compétences en coaching – ou même une simple sensibilité à l’écoute et à l’accompagnement – cette envie peut vite devenir très forte. “Je pourrais lui faire une séance, juste pour l’aider à y voir plus clair.”
“On ne peut pas être à la fois juge et partie.”
Henri-Frédéric Amiel
Mais coacher un proche n’est pas une bonne idée. Même avec les meilleures intentions du monde. Même si vous êtes convaincu de pouvoir l’aider. Et surtout si vous tenez vraiment à cette relation.
Voici pourquoi.

Une posture difficilement tenable : entre lien affectif et cadre professionnel
Le cœur du coaching, c’est la neutralité bienveillante. C’est cette capacité à écouter sans projeter, à accompagner sans orienter, à poser des questions sans attente. Or, avec un proche, c’est quasi impossible.
Vous connaissez trop de choses sur sa vie. Vous avez un passé commun. Vous avez des attentes, des projections, peut-être même des blessures non digérées. Bref : vous n’êtes pas un tiers neutre.
Même si vous vous efforcez de “tenir la posture”, le lien affectif biaise tout. Vous aurez du mal à ne pas vouloir orienter la personne vers ce que vous jugez bon pour elle. Et elle, de son côté, pourra difficilement s’exprimer librement, par peur de vous blesser ou de vous décevoir.


L’espace du coaching n’est pas celui de l’amour
Dans une relation proche, on se soutient, on se console, on partage. Dans un coaching, on questionne, on confronte, on met en lumière ce qui dérange. Ce sont deux logiques très différentes. Et vouloir faire cohabiter les deux peut abîmer la relation.
Coacher quelqu’un, ce n’est pas lui dire ce qu’il veut entendre. C’est parfois pointer ses contradictions, le confronter à ses zones d’ombre, questionner ses certitudes. Et ça, même fait avec beaucoup de douceur, peut être très mal reçu quand ça vient d’un conjoint, d’un parent ou d’un ami.
Le risque, c’est de brouiller les rôles. D’instaurer une dynamique déséquilibrée, où l’un prend le rôle du “guide” et l’autre celui de “l’élève”. Ça peut générer des tensions, des malentendus, une perte de confiance. Et même si la séance semble bien se passer, les effets à long terme sur la relation peuvent être délétères.
L’autre n’a pas besoin d’un coach, il a besoin de vous… tel que vous êtes
Ce n’est pas parce que vous ne le coachez pas que vous ne pouvez pas l’aider. Vous pouvez être là. Écouter, sans chercher à analyser. Offrir votre présence, votre confiance, votre affection. Et c’est souvent ce dont les proches ont le plus besoin.
Laisser la personne vivre son chemin, à son rythme. Sans vouloir accélérer. Sans vouloir comprendre à sa place. Sans vouloir “faire une séance” pour l’aider à avancer plus vite.
Oui, c’est frustrant. Surtout quand on voit clair dans les mécanismes de l’autre. Mais c’est une preuve d’amour beaucoup plus profonde que de chercher à résoudre ce qui, parfois, n’attend qu’à être accueilli.
Et si elle vous demande de l’aide ?
Parfois, ce n’est pas vous qui proposez, c’est l’autre qui demande. “Toi qui t’y connais en coaching, tu peux m’aider ?” Là encore, attention. Vous pouvez clarifier le cadre dès le départ : “Je peux t’écouter, t’aider à prendre du recul, mais je ne serai jamais ton coach.”
Et si la demande est insistante, orientez-la vers un professionnel extérieur. Quelqu’un de neutre, formé, qui n’aura aucun enjeu affectif dans la relation. C’est le plus beau service que vous puissiez lui rendre.
Pourquoi un vrai coaching fonctionne mieux avec un inconnu
Parce que le cadre est clair. Parce qu’il n’y a pas d’attente personnelle. Parce que la parole est plus libre. Parce que le coach ne vous connaît que dans la version que vous lui présentez. Et c’est justement ça qui crée la sécurité.
Dans un coaching, on peut dire “je ne sais pas”, “je doute”, “j’ai peur” sans avoir à se justifier. On peut explorer ses zones sensibles sans craindre de blesser l’autre. On peut se découvrir sans avoir à se protéger.
Avec un proche, ces conditions sont rarement réunies.
Quand le coaching s’invite malgré vous : attention aux glissements
Même si vous ne proposez pas de séance formelle, il peut y avoir des glissements. Des moments où vous vous surprenez à poser des questions comme un coach, à analyser ses comportements, à reformuler ce qu’il dit. Là encore, vigilance.
Ces automatismes peuvent venir d’un désir sincère d’aider, mais ils peuvent être vécus comme intrusifs. L’autre ne vous a peut-être pas demandé ce type d’écoute. Il ou elle attend juste une oreille attentive, pas un miroir structurant.
Essayez de revenir à une posture simple. D’égal à égal. Où chacun est responsable de ses choix, et libre dans son cheminement.
Et si c’est vous qui voulez être coaché par un proche ?
L’inverse existe aussi. Vous admirez un ami ou un membre de votre famille, vous avez confiance en son écoute, vous vous dites que ce serait plus simple, plus économique, plus confortable. Mais là aussi, prudence.
Vous risquez de ne pas aller au fond des choses. De retenir des éléments par pudeur. D’être influencé par son regard, ses opinions, son vécu. Bref : vous ne serez pas pleinement libre. Et sans liberté, il n’y a pas de transformation profonde.
Le coaching demande du courage, de l’ouverture, parfois une forme de mise à nu. Cela n’est possible que dans un espace préservé, extérieur à la relation affective.
Être coach, ce n’est pas être sauveur
Derrière l’envie de coacher un proche, il y a parfois une confusion entre aider et sauver. Vouloir à tout prix que l’autre change, qu’il aille mieux, qu’il trouve des réponses… alors que ce n’est pas à vous de porter ce poids-là.
Le rôle du coach n’est pas de faire à la place de l’autre. Il est d’accompagner un processus. Et ce processus ne peut émerger que si la personne elle-même en fait la demande, dans un cadre neutre, avec une vraie disponibilité.
Avec un proche, on est trop impliqué. Trop touché. Trop concerné. On perd la juste distance.
Le plus beau cadeau que vous puissiez faire à un proche ? Lui faire confiance
Lui faire confiance dans sa capacité à trouver ses réponses. À son rythme. Même s’il traverse des périodes de doute. Même s’il fait des choix que vous ne comprenez pas. Même si vous auriez “fait autrement”.
C’est cette confiance qui permet les vraies transformations. Pas les conseils, pas les méthodes, pas les outils. Juste cette présence aimante et confiante, qui dit : “Tu es capable. Tu avances. Je suis là.”
Et c’est souvent ça, plus que tout, qui aide.